Le recrutement postbac
J'ai souvent
des questions sur le modus operandi du recrutement des classes
préparatoires et plus généralement sur le postbac.
Voic quelques éléments de réponse:
- Le logiciel Parcoursup: Les voeux sont exprimés via le logiciel du ministère.
Phase 1: Les élèves
font leurs voeux de mi-janvier à mi-mars. Ils peuvent en
faire 10 (avec 20 sous-voeux - mais cela change tout le temps)
Phase 2: Les professeurs
principaux des classes de terminales remplissent les avis
généraux avec l'aide des Proviseurs adjoints et en
fonction des voeux (Très Favorable, Favorable,
Défavorable...), ainsi que le très important "niveau
global de la classe". Ces avis sont confidentiels.
Phase 3: Les dossiers sont
envoyés aux responsables des classes préparatoires
demandées, le plus souvent quelques uns des professeurs de la
filière, afin qu'ils classent les élèves. Ils
renvoient les dossiers classés par ordre de
préférence.
A noter que les recruteurs ne savent donc pas si le dossier qu'ils
reçoivent est un premier voeu ou pas.
Phase 4: Le logiciel tourne et
propose un premier classement à l'élève (ex:
Voeu1: refusé, Voeu2: refusé, Voeu3: accepté,
Voeu4: refusé, Voeu5: en attente...) Les élèves
peuvent s'exprimer sur les voeux pour lesquels ils sont acceptés
et dire ("oui", "non" ou "oui mais" - ce dernier choix signifiant
qu'ils attendent un tour si des places se libèrent). Un "oui"
sur un voeu entraîne automatiquement une acceptation et
clôt la procédure pour cet élève. On refait
tourner le logiciel en continu avec ceux qui n'ont pas dit "oui", en
théorie jusqu'à ce que tout le monde ait dit
"oui" à un voeu. En pratique, il peut y avoir des situations de
blocage (même élémentaires) qui sont
gérées en fin de session en juillet.
- La sélection à l'entrée en prépa:
La tâche qui consiste à classer les candidats est
très délicate dans la mesure où l'on reçoit
beaucoup de dossiers de la France entière bien souvent. Une
chose est sûre, les personnes chargées de ce recrutement
mettent toutes un point d'honneur à chercher la méthode
la plus efficace et la plus sûre: celle qui permettra de
dénicher les bons éléments au-delà des
notes. Voici ce qui est fait dans beaucoup de classes
préparatoires:
- Ce que l'on
reçoit:
Les établissements envoient les bulletins
de première, les deux premiers bulletins de terminale (tout
ceci avec les appréciations - c'est aussi pour cela qu'il vaut
mieux un système trimestriel plutôt que semestriel en
terminale!!), les notes aux épreuves
anticipées du bac, le rang de l'élève dans toutes
les matières, le niveau de la classe (très important car
il permet de relativiser le rang d'un élève - e.g. les
classes européennes ont toujours le plus haut niveau) et
l'appréciation mise par le professeur principal.
- Ce que l'on
regarde en priorité:
- l'avis émis par le
professeur principal et le niveau de la classe.
- les notes aux épreuves
du bac Français (seul référentiel national avant
le bac)
- les notes en sciences et plus
particulièrement en mathématiques afin de déceler
d'éventuels problèmes de logique souvent
rédhibitoires.
- les notes d'histoire donnent
aussi un bon indicateur sur les méthodes de travail et la
capacité d'apprentissage.
- les notes d'anglais car on sait
qu'un niveau d'anglais faible peut difficilement s'améliorer
dans le court laps de temps d'une prépa et les coefficients aux
concours sont importants dans cette matière (là les euros
anglais sont clairement avantagés).
- les apréciations: toute
appréciation négative est très mal vue, notamment
sur le plan du comportement (du simple bavardage à l'insolence).
En effet, il y a beaucoup de candidats et les professeurs n'ont pas
envie de s'embarrasser d'élèves pénibles qui
risquent en plus de mettre une mauvaise ambiance dans le groupe.
- la spécialité.
Une spé mathématique avec l'option Mathématiques
expertes est toujours un gage
d'investissement et de travail. C'est même la plupart du temps
une condition sine qua non du recrutement. On est bien souvent plus
indulgent avec
quelqu'un qui a une moyenne plus faible mais qui fait spé math
car le problème essentiel du postbac est souvent en
mathématique. (Voir ci-dessous)
- Comment
comparer les dossiers? Difficile de faire la part des choses entre un
dossier moyen de Tale avec spé math et un bon dossier sans la
spé math. Aussi, de plus en plus, les recruteurs utilisent un
principe élémentaire: On ne compare que ce qui est
comparable. Ils se partagent la tâche, e.g.: un groupe A: T€
Spé math, un groupe B: T€ non spé math, un groupe
C: Tale non euro spé math et un groupe D: Tale non euro non
spé math. On ordonne tous les
dossiers au sein de chacun des groupes. Vient ensuite la notion de
quota qui dépendent de la prépa. On peut, par exemple,
accorder les 20 premières places du classement au 20 meilleurs
dossiers du groupe A, les 15 suivantes au groupe B, les 10
d'après au groupe C et les 5 encore après au groupe D,
puis on recommence... Ainsi, on est certain de ne pas rater de
bons éléments sous prétexte que leurs moyennes
sont moins bonnes.
Il est donc, en particulier, faux
de penser qu'on a moins de chance en venant d'une section
européenne ou la concurrence est plus rude qu'ailleurs. Il
suffit de se mettre à la place des recruteurs qui
préfèreront avoir un bon élément ayant un
rang moyen dans sa classe européenne qu'un excellent dossier qui
n'a jamais eu de rivalité.
A noter que certaines formations
(et pas les meilleures) ne font pas leur travail et établissent
leur sélection avec un algorithme. Je pose une question simple:
quel intérêt à aller chez des gens qui n'arrivent
même pas à se motiver pour recruter les meilleurs
éléments? Vont-ils mettre plus d'ardeur à faire
leurs cours? (j'ai la réponse)
- Les idées reçues - les avantages de la classe euro pour Parcoursup:
- Une première remarque:
On pense souvent à tort que les classes euros sont des entraves
à l'admission postbac. Si c'était vraiment le cas, il
faudrait expliquer pourquoi les élèves qui en sortent
sont si recherchés et n'ont aucun problème à
rentrer dans les classes demandées. Voir la fin de cette page.
- On entend aussi souvent
l'argument (sorti d'ailleurs par certains recruteurs de grandes classes
préparatoires) qui consiste à dire que l'on ne prend que le premier élève d'une classe de terminale.
Comment expliquer alors que, dans ces mêmes classes
préparatoires, on retrouve souvent plusieurs
élèves d'une même classe euro (une année,
nous avons même eu huit élèves issus de la
même classe euro math d'Eiffel... ils n'étaient pas tous
premiers si j'en crois mon arithmétique !o). En fait, les gens
confondent ce qui est dit et vrai pour une classe normale et la
réalité des classes européennes.
- Les notes sont plus faibles en euro
qu'ailleurs. C'est faux. Si l'on regarde factuellement les moyennes des
classes euro, elles sont toujours supérieures (et de loin) aux
moyennes des autres classes. Notamment, une remarque classique est de
penser que les notes de l'option Math Expertes sont un frein. D'une
part, elles ne sont jamais mauvaises car nous sommes conscients qu'il
s'agit d'une option et donc que l'élève ne fait pas cela
pour souffrir. D'autre part, si vous avez suivi le modus operandi du
recrutement, vous comprenez qu'il vaut mieux avoir fait Expertes
(même si on n'est pas dans les premiers) que pas du tout.
En outre, j'ajoute
que la plupart des pré-sélections se font via
l'écart à la moyenne et non la moyenne pure. Il ne sert
donc pas à grand chose de mettre une moyenne de classe
très élevée. C'est même souvent contre
productif: Ent tant que recruteur, ai-je vraiment envie de recruter un
élève de terminale ayant 20 de moyenne en math dans une
classe où la moyenne générale est de 18? Est-il
vraiment bon? Comment va-t-il prendre son premier devoir avec moi
où il aura 12... 7... ou 4...?!
- En plus de la formation qui est
exacerbée par la motivation et l'ambiance de travail
générales, il y a un avantage énorme et peu connu
des classes européennes: la comparaison.
Dans une même classe euro, le niveau est élevé et
l'on peut avoir durant l'année une image très nette de ce
que sera le postbac. Si je suis 7e de la classe, que je rêve
d'une formation super sélective et que je vois que seuls les
trois premiers s'en sentent capables, je vais peut-être
réfléchir à une autre voie. Ou, à
défaut, je serai averti de la concurrence que je vais y
rencontrer. Il est bien plus difficile de s'évaluer sans pouvoir
se comparer.
- Il n'est pas possible de faire médecine ou BCPST
en prenant les spés Math-Physique en Tale. Nos anciens
élèves passés par là prouvent le contraire.
De l'aveu même des collègues de fac, il est plus facile de
rattraper le programme de SVT que celui de Math. Ceci dit, on remarque
au passage la stupidité d'un système dans lequel, pour
faire de la bio, on conseille de l'abandonner.
- Le sillage des anciens:
Nos élèves profitent des vingt années d'existence
de cette classe. Les anciens élèves de la classe euro ont
bien souvent brillé dans leur formation postbac. Les enseignants
le savent et nous bénéficions d'une certaine aura. Ainsi,
ils sont plus à même de nous prendre des
élèves.
- Enfin, quelques chiffres
simples qui coulent définitivement quelques idées
reçues: Pour la classe euro math, depuis vingt ans, les
élèves ont toujours eu leur voeu 1 ou 2 sur Parcoursup et
nous n'avons jamais imposé un voeu à un
élève. Nous conseillons et les aidons techniquement sur
la plateforme Parcoursup, mais ils sont seuls maîtres de leurs
choix. En moyenne sur une promotion par an,
*une trentaine part en classe préparatoire,
*un à deux en médecine (et réussissent à passer le cap de la première année),
* deux à trois vont en BUT,
* un à deux vont à Sciences Po,
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